2017 Le voyage à Gourcy
En 2017, nous avons encore eu la chance de nous rendre à Gourcy, car aujourd'hui, il n'est plus possible de se rendre sur place, tenant compte de la situation géopolitique. Toutefois, il est indispensable de poursuivre notre soutien, en sachant que nous maintenons des contacts téléphoniques avec les responsables sur place et que régulièrement nous recevons des rapports et des photos des réalisations.
Ont participé au voyage :
Barbara Diserens, Edith Cortessis, Serge Sandoz et
André Cortessis, le scribe qui vous servira de guide pour la suite de ce voyage.
Un grand merci à André !
Lundi 16 janvier 2017
Vol de Genève à Tunis, installation à l'Hôtel Ibn Khaldoun, aux frais de Tunisair ; malgré la température fraîchement pluvieuse, promenade à la médina, thé de menthe, puis souper et nuit à l'hôtel.
Mardi 17
Vol de Tunis à Ouagadougou, accueil par Abdullaye Komé, notre chauffeur, qui nous conduit dans la maison de Tahirou Komi, son grand frère
Mercredi 18
Départ de Ouagadougou, poulet rôti au « maquis » (gargote routière burkinabé), arrivée à Gourcy, enregistrement à la gendarmerie, puis accueil à l'Union des Groupements Naam ; palabre pour l'élaboration du programme du lendemain, installation à l'Hôtel La Cité, souper et nuit.
Jeudi 19
A 8h, réception officielle à la Mairie de Gourcy.
Dans l'antichambre, une secrétaire nous jette un coup d'œil et nous attribue aussitôt des prénoms en langue moré : Barbara sera Bintu (plus belle femme de l'Afrique), Edith : Anisu (la préférée de son mari), André : Moussa (qui aime sa famille) et Serge : Draman (le rassembleur). Nous sommes soufflés par tant de clairvoyance ! (La traduction nous sera donnée plus tard par Djeneba, une des animatrices de l'Union).
Nous sommes donc reçus par le maire adjoint récemment élu, M. Koma Lassane, flanqué du secrétaire général de mairie qui lui aussi vient d'entrer en fonction. La maire est absente et s'est fait excuser. Serge, s'étant présenté avec sa carte de visite de conseiller municipal de Cheseaux, est congratulé par l'adjoint. Nos hôtes découvrent avec étonnement et admiration les réalisations des Naam soutenues par Trait d'union. Photos souvenirs.
Nous reprenons la piste pour aller présenter nos condoléances aux familles de Pierre Ouedraogo et Boukari Ouedraogo, les responsables décédés récemment.
Puis Moumini Ouedraogo nous conduit au village de DANAOUA pour nous présenter les projets dont il est responsable.
Le puits pour la boisson des hommes et des bêtes a déjà huit ans et 26 m de profondeur ; six femmes en assument la garde et l'entretien. Pour le maraîchage, les femmes ont recours à des puits à margelle basse, partiellement recouverts donc pollués en cas de pluie, et potentiellement dangereux pour enfants et animaux. Une femme enceinte est tombée dans l'un de ces puits il y a une semaine.
Les diguettes
Que nous retrouverons tout au long de notre voyage – sont un facteur essentiel pour l'amélioration des récoltes : elles retiennent l'eau de pluie et le fumier qui se mélangent naturellement avec les débris de paille de mil, fertilisant le sol. Grâce à quoi la nappe phréatique est sensiblement remontée ces dernières années. On voit bien la différence dans un champ témoin entre la partie avec diguettes et celle qui en est dépourvue. Il faut cependant aller de plus en plus loin pour trouver les pierres nécessaires à leur construction. En 15 ans, les arbres (des neems) ont repoussé, les villageois retrouvent ainsi du bois de construction et de feu, et les bêtes de la nourriture. La paille de mil se stocke sur les arbres, à l'abri du bétail. Un sac de 100 kg de mil se vend 16000 CFA (26 CHF.)
Les foyers améliorés sont une réussite : avec un fagot de bois la ménagère cuisine pendant deux semaines, alors qu'il part en fumée en trois jours sur un foyer traditionnel. 90 % des femmes du village sont convaincues et les ont construits elles-mêmes, et nous les montrent fièrement ! Voilà un résultat tangible de la sensibilisation et de la formation dispensée par les animatrices Naam.
Le centre d'alphabétisation pour adultes (surtout des femmes) a été inauguré en 2006. Une femme inculte, c'est une famille inculte, déclare Moumini. Et une femme formée en formera une autre. Il est essentiel de mettre les filles à l'école. La sensibilisation au planning familial s'avère nécessaire, déclare l'animatrice Fatimata Ouedraogo. Et la connaissance des lois aussi.
Cinq couples de brebis et bélier
Nous prenons place sous le manguier, tout le village est là. Nous devons nous présenter, à tour de rôle. Et voilà qu'on nous amène les moutons de case. Cinq couples brebis-bélier ont été remis à crédit en octobre à cinq femmes. Elles gardent et nourrissent les bêtes dans leur cour, avec les produits de leurs champs. Le bélier gras sera vendu à l'occasion de la fête du mouton, un tiers du produit de la vente servira à rembourser le crédit, un tiers pour racheter un agneau et un tiers pour l'éleveuse.
Il y a trois groupements Naam au village : deux féminins avec respectivement 35 et 43 femmes, et un masculin rassemblant 50 hommes. Tous participent aux travaux communautaires, par exemple pour une construction, ils feront les briques sur place et l'Union fournira le toit. Quelques dames s'enhardissent et nous posent des questions : les femmes ont-elles autant d'enfants en Suisse ?
Le Coq en remerciement
Mais il est déjà l'heure de partir : les responsables expriment leur reconnaissance pour notre soutien à leur village, et nous offrent un magnifique coq (vivant bien entendu). De retour à notre hôtel Serge le confie au cuisinier qui nous le préparera pour le souper.
Le point sur les réalisations de 2016
Sous la présidence conjointe de Moumini et de Serge, nous allons maintenant passer en revue les projets 2016.
Diguettes : leur mise en place se poursuit, nous l'avons vu ce matin à Danoua, et nous le verrons ailleurs par la suite.
Formation technique : pour la construction des diguettes, l'utilisation des courbes de niveau, la recherche des pierres.
Matériel acheté : 10 brouettes (fabriquées sur place, la qualité a baissé, durée moyenne de vie: 2 ans) 7 pelles et pioches.
Formation à la nouvelle Loi sur les coopératives (Karim Konkobo) : un enjeu crucial, cette formation pour les animateurs et les membres est obligatoire pour obtenir la reconnaissance de l'Etat et l'accès au libre-échange avec les autres pays ; on attend l'argent pour la mettre en route.
Les moutons de case : c'est le projet pilote qui a débuté avec 10 couples. Critères de choix : des femmes travailleuses, qui ont « la honte du crédit ». En fonction des résultats, on envisagera de l'étendre.
Les femmes gèrent mieux que les hommes, nous dit-on. Une femme a commencé avec un crédit pour un mouton, puis elle a acquis une chèvre qui lui a donné trois chevreaux, avec quoi elle a acheté un bœuf... maintenant elle est riche !
Campagnes de sensibilisation contre le mariage précoce : elles ont eu lieu dans 23 villages.
Planning familial : les hommes (surtout musulmans) sont récalcitrants, disant qu'il faut accepter ce qui vient de Dieu... Ils n'aiment pas trop voir leurs femmes avoir du temps pour elles, nous dit la formatrice Djeneba.
Fin de journée
De retour à notre hôtel, deux questions se posent (et se poseront chaque jour) : a) y aura-t-il de l'eau pour la douche (et le réservoir des wc) et b) y aura-t-il de l'électricité pour la lumière (et pour le ventilateur). Les réponses varieront d'un jour à l'autre. Après dégustation de notre premier coq-légumes, nous échangeons nos impressions sur notre journée riche en découvertes.
Nous sommes impressionnés par ces gens, ces femmes en particulier, qui ne baissent pas les bras devant des difficultés dont nous n'avons pas idée, qui doivent souvent braver les forces d'inertie de leur société patriarcale et conservatrice. Les résultats obtenus dans ces conditions sont d'autant plus admirables.
L'école publique est débordée, avec des classes allant jusqu'à 90 élèves. Elle est payante : 1000 F CFA par an + livres et cahiers. Ceux qui le peuvent se tournent vers le privé : 10 à 15'000 F CFA par an + uniforme obligatoire. Les autres peuvent essayer la madrassa (école coranique, le jeudi, bilingue français-arabe). Une image nous a frappés dès notre arrivée au Burkina : la quantité de sachets d'emballage en plastique noir en déshérence, qui volettent un peu partout, jusque dans les champs et sur les arbres. Un programme gouvernemental payait des femmes pour les ramasser ; hélas, le fonds est épuisé. Nous verrons plus tard à l'œuvre les équipes de propreté de la mairie de Gourcy, qui font de leur mieux chaque matin pour évacuer les déchets sur la voie publique
Nous passerons l'après-midi à l'Union. D'abord, visite des quatre boutiques pimpantes neuves qui seront mises à disposition des membres du groupement... dès que la fouille creusée par la mairie devant elles sera comblée. A la demande des futurs locataires et cofinancés par eux, un avant-toit et deux dalles seront aménagés devant les boutiques. Parmi de nombreux candidats, l'Union a choisi une coiffeuse, un marchand de poisson séché, un débit de boissons sans alcool et une mini-quincaillerie. De l'autre côté, deux boutiques plus anciennes sont occupées par un groupement voisin qui vend riz, thés et épices, et des dames qui proposent des produits de beauté et les savons de la savonnerie de Gourcy.
Vendredi 20 janvier
Ce matin, rendez-vous dans un autre village de la commune de Gourcy, qui en compte une quarantaine. Les habitants de LELEGRE nous accueillent avec une allègre danse de bienvenue.
Le puits de boisson, qui avait été endommagé par un éboulement souterrain, a été approfondi, on y a mis du gravier filtrant et on l'a sécurisé.
Le centre d'alphabétisation, construit en banco - terre et paille mélangées - a été quasi détruit par la pluie et les forts vents ; on va faire un toit provisoire pour que les cours aient lieu en mars, les poutres sont déjà là.
Nous prenons place sous le neemier, et l'on nous offre l'eau de bienvenue tirée du puits. Tour à tour, le représentant des groupements Naam et le délégué du chef du village prennent la parole. « Vous avez posé des actes palpables dans notre village » nous disent-ils. Le représentant des Conseils villageois de développement se joint au concert de louanges.
« Les jeunes sont le moteur du développement » nous dit leur envoyé. « C'est nous qui avons construit le puits et le bâtiment. Grâce à votre soutien, nous restons au village. L'eau, c'est de l'or, le vrai or et pas celui des orpailleurs. Nous demandons votre appui pour reconstruire notre centre qui est délabré ».
Une dame représentant le groupement féminin prend maintenant la parole : « Le puits ne tarit pas, l'eau est propre pour les humains et les animaux, nous sommes contentes. Mais nous devons broyer le grain à la meule, c'est long et fatigant. Un moulin à farine serait le bienvenu ».
Serge remercie pour ce très bel accueil : « Tout le village est présent, cela nous touche beaucoup. Nous sommes heureux de voir le puits construit par les jeunes, heureux d'avoir pu contribuer à ce projet. Dommage que le bâtiment construit par vos mains soit détruit. Nous avons entendu les demandes que vous soumettez à l'Union des groupements Naam. Nous sommes ouverts à tout ce qui favorise votre maintien dans le village ».
Puis vient notre tour de nous présenter. « André a présenté sa femme, c'est signe qu'il l'aime et les hommes (du village) en prennent de la graine !» déclare la formatrice Djeneba.
Discours de Moumini : « Les villageois sont pauvres, ils ne peuvent manifester leur reconnaissance que par le respect qu'ils vous témoignent. La formation doit reprendre bientôt. Jusqu'ici, ils ont reçu la formation genre, mariage et diguettes. Le mariage forcé est mauvais. Cependant les jeunes ont besoin du conseil des vieux pour le choix du/de la partenaire ».
Le village comprend 10 groupements Naam – 5 d'hommes et 5 de femmes. Quelques jeunes sont partis, tentés par l'orpaillage. D'autres travaillent aux maraîchages de Gourcy et de Ouahigouya.
Après avoir dégusté un verre de jus de tamarin à l'eau du puits, nous recevons l'émouvante bénédiction apportée par le représentant du chef : « Grâce à Dieu et grâce à l'aide que Dieu vous a permis de nous apporter, nous avons pu vaincre la soif ».
Nous prenons maintenant le chemin de l'école du village. Dans la classe des petits (CP1), 70 élèves sont serrés à raison de quatre par banc (!). 34 garçons et 36 filles sages comme des images, qui écarquillent les yeux en nous voyant entrer. L'institutrice les fait chanter en français. Chez les moyens (CE1, 21 garçons et 27 filles), nous sommes accueillis par le directeur de l'école M. Jacques Naneman. « Nous avons suffisamment de personnel mais nous manquons de place : nous pourrions scolariser 100 enfants chez les petits si la salle était plus grande. Faute de moyens, l'Etat ne recrute qu'une année sur deux. Certains enfants marchent 6 à 7 km par jour pour venir à l'école. Horaire quotidien : 7h30 – 12h et 13h30 – 16h » Chant et récitation des élèves. Enfin, la classe des grands (CM1) rassemble 22 garçons et 25 filles.
Pendant que nous visitons la « cantine scolaire » (deux chaudrons de bouillie qui mijotent sur un feu de bois devant un parterre de gamelles multicolores), voilà que quelques jeunes viennent nous demander un ballon. Nous promettons d'étudier la question... De retour sous le neemier où le peuple rassemblé nous attend, nous essayons de savoir qui est responsable des constructions scolaires : c'est la mairie, nous dit-on. Interpellés, les deux délégués du village au conseil communal se défendent : ils ont sollicité à plusieurs reprises l'agrandissement des salles d'école, mais la mairie tergiverse, la maire est toujours absente...
Moumini : « Le puits aussi, c'était l'affaire de la mairie, mais elle ne peut pas tout faire. On peut se faire aider ».
Nous demandons la route (expression traditionnelle pour demander la permission de partir). Serge reçoit un nouveau coq, blanc cette fois-ci. Moumini : « Le coq blanc vaut un bœuf. Car l'offrir c'est comme donner son cœur ». Pendant la réunion, plusieurs dames sont venues à tour de rôle remplir une grande bassine d'arachides, qui nous est solennellement remise. Puis on nous offre une dernière danse en guise d'au revoir, à laquelle Barbara se joint avec plaisir.
L'après-midi est consacré à la visite d'un ensemble de bâtiments propriété de l'Union à Gourcy-ville : l'ancienne Banque (baoré = grenier) traditionnelle (B-TEC), l'ex-banque de céréales, et le bâtiment de la presse, tous trois construits en dur, ainsi que la salle de formation, construite en banco en 1995 et qui est fendue.
Nous assistons à la production du beurre de karité : les noix sont d'abord pilées à la main, puis torréfiées, et enfin passées à la presse hydraulique à main. Encore un travail très physique à la charge des femmes, certaines avec leur enfant dans le dos, qui se relaient à la poignée de la machine. Devant nous, Moumini, Konkobo et quelques hommes, qui ont suivi le cours « genre », leur donnent un coup de main. Une pressée permet d'extraire 3 litres de beurre de karité en quelques minutes, ceci à partir de 10 kg de noix. Pour obtenir la même quantité avec la méthode traditionnelle au pilon, il faut une journée d'efforts au même nombre de femmes. Enfin, on extrait de la presse les tourteaux, qui serviront de nourriture pour les animaux ou de combustible.
Le litre de beurre se vend 1000 CFA. Le sésame, que l'on peut presser avec la même machine, vaut 3000 CFA le litre. En saison la presse fonctionne tous les jours, à raison de 200 l par jour. Elle a coûté 2'000'000 CFA. Elle a tout de même des défauts : pannes, pièces qu'il faut faire venir de loin. Une presse électrique serait la bienvenue.
De retour à l'Union, nous interrogeons nos hôtes sur leurs projets d'utilisation des locaux que nous venons de visiter. Moumini : « La salle de formation doit être réparée, ou bien reconstruite en dur. Les bâtiments sont trop petits pour accueillir des réunions de 80 à 100 personnes. Quelques chambres sont nécessaires pour les hôtes de passage et pour les participants aux sessions de formation qui durent plusieurs jours. Nous n'avons que deux chambres ici. L'ancienne banque de céréales est à transformer en "Grenier de sécurité alimentaire", pour assurer l'approvisionnement à des prix raisonnables en cas de pénurie ».
Barbara annonce la baisse de nos réserves : nous avons épuisé le legs qui nous avait permis d'augmenter nos contributions. Nous avons versé 13.5 millions de CFA en 2016, mais nous ne pourrons pas en faire autant en 2017. On assurera le carburant pour les animateurs, mais il faudra restreindre les autres projets. Nous recherchons ici des objets à vendre chez nous, nous organisons des projections de films africains pour favoriser la sensibilisation de nos concitoyens. Serge ajoute qu'en Suisse aussi c'est plus difficile de trouver des fonds.
Moumini: « Entre amis il faut se dire la vérité, nous comprenons. Soit vous nous fixez un plafond, soit nous vous soumettons l'ensemble de nos projets et c'est vous qui choisissez ce que vous voulez soutenir ».
Barbara articule un plafond de 7 millions de CFA. Serge explique les démarches pour tenter de sensibiliser des classes d'écoles à Cheseaux. Il y a beaucoup d'activités dans notre village, et la fréquentation diminue pour tous. Trouver de nouvelles activités susceptibles de rapporter n'est pas facile. Trouver des jeunes membres non plus.
Moumini : « Ici aussi on peine à trouver des jeunes qui s'engagent ; mais en grandissant, ils s'intéressent ». Irisso : « Nous avons parmi nos formateurs deux jeunes de bonne conduite (Karim Konkobo et Bassirou Ouedraogo) qui nous supportent, nous les vieux ! »
Sur ces fortes paroles, nous demandons la route et rejoignons notre hôtel pour y déguster notre deuxième coq-légumes. A noter que le coq n'est pas le seul à être de première fraîcheur : les légumes – haricots, choux, pommes de terre – sont tous de premier choix, sans parler des fruits, provenant des périmètres maraichers de la région..
Samedi 21 janvier
Aujourd'hui, visite à KOUNDOUBA, le village de Karim Konkobo. 3000 habitants répartis dans 5 grands quartiers.
Accueil au son du tam-tam dans le premier quartier, où l'on s'affaire à creuser un puits (celui que Trait d'Union a financé en 2015). Un homme est au fond qui remplit un seau de terre, et deux femmes le remontent à la surface. Travail très physique, les femmes se relaient.
On nous offre l'eau de bienvenue dans une calebasse... que par mesure de précaution Moumini et Karim boiront à notre place. Le discours de la présidente locale est ponctué par les tam-tams. Elle remercie pour l'appui au nouveau puits, l'ancien qui n'était pas busé s'étant effondré. Moumini présente notre délégation, nous venons voir si le travail que nous avons soutenu a été bien fait, c'est légitime. Serge dit notre satisfaction de voir le puits en travail pour que l'eau soit toujours disponible dans le village. Barbara demande comment se déroulent les travaux. La présidente locale nous apprend que l'on travaille 5 jours par semaine, que le busage se fera en mai-juin avec un revêtement de 10 à 20 cm de ciment et un diamètre de 1m80. Barbara souhaite beaucoup de courage pour la suite du travail. Nous recevons la volaille rituelle, deuxième coq blanc, ainsi qu'une bassine d'arachides.
Dans le deuxième quartier, nous sommes solennellement reçus par le vieux chef du village, qui trône sous un grand arbre. Il nous remercie pour nos multiples appuis au bénéfice de la population ; que Dieu nous donne la force et nous accompagne. Barbara remercie pour l'accueil : « Nous pourrons raconter en Suisse comment vous luttez pour vivre ». Serge se présente et assure le chef que nous sommes heureux de contribuer à la construction du puits. Nous sommes frappés par la déférence dont font preuve Moumini, Karim et Fati à l'égard du vieux chef.
A notre arrivée dans le troisième quartier, la foule forme un grand cercle autour de l'arbre traditionnel ; nous faisons un grand tour de poignées de mains. 400 personnes sont là. Signe particulier à notre attention : on nous offre de l'eau de bienvenue en bouteille capsulée, nous pouvons la boire sans crainte. Karim Konkobo salue la foule en sa qualité d'enfant du village, et annonce le programme des festivités. Les religieux musulman et chrétien seront les premiers à prendre la parole, puis le représentant du chef, suivi des représentants de chaque groupement, ensuite le Comité des villageois pour le développement, et enfin... les femmes. Tous nous remercient pour notre aide aux groupements Naam du village. « Dieu seul sait tout ce que vous avez fait ». La présence nombreuse des villageois est signe de respect pour nous. La représentante des femmes remercie les maris de leur avoir permis de venir nous accueillir. Dieu la punirait si elle oubliait de nous remercier. Notre aide est la bienvenue pour les femmes et les jeunes, donc pour tout le village.
A notre tour de nous présenter. Nous le faisons à tour de rôle et Karim traduit. Puis Serge s'adresse à la foule pour témoigner de notre admiration devant le travail accompli et l'implication de la population : « Nous ferons de notre mieux pour continuer à vous soutenir ».
Karim cite les réalisations ayant bénéficié du soutien de Trait d'Union : moutons de case, puits, cours de sensibilisation. Il nous présente le village. 7 groupements Naam féminins et 5 masculins réunissent 400 à 500 personnes. Puis les habitants prennent la parole.
On nous demande une digue filtrante pour la culture de riz et pour une retenue d'eau.
Doléance des femmes : les moutons sont trop peu nombreux, elles aimeraient que chaque femme en reçoive deux. Et un local pour la conservation du jus de liane gouni ( ? arbuste local).
Au nom des jeunes, les vieux ont des doléances : les jeunes partent à la recherche de l'or. Il faudrait un périmètre maraîcher pour les retenir au village.
Le directeur de l'école partage la joie du village. On compte 6 classes avec 407 élèves sous la férule de 8 instituteurs. Pas de problème majeur de ce côté.
L'agente de santé présente le dispensaire / maternité, avec 3 employés. Il y a en moyenne 14 naissances par mois. Les mères sont très jeunes. Le planning familial est appliqué dans le village.
Certaines femmes y viennent clandestinement... Un programme de piqûres contraceptives gratuites (mais à l'efficacité contestée) est maintenant terminé.
Serge explique la population de Cheseaux (4400 habitants) et les moyens limités de Trait d'Union. « Vos demandes, qui sont légitimes, doivent passer par l'Union des groupements Naam, qui fera des choix et nous les transmettra. Merci pour votre accueil, nous demandons la route. J'espère revenir boire l'eau du nouveau puits ». On nous remet solennellement une bassine d'arachides, deux flacons de jus de liane et à chacune/un polo-souvenir du jour. Avant de partir, nous faisons connaissance avec les 5 couples de moutons : une brebis est portante, une autre a fait une fausse couche. Ici aussi le centre d'alphabétisation a souffert des éléments : moitié du toit arraché, poutres et tôles à changer.
On nous montre aussi une fosse fumière. Après les premières pluies sur le mélange fumier-paille, on recueillera ici 25 charretées, de quoi traiter un hectare.
L'après-midi est consacré à la visite du marché de Gourcy-ville et aux achats personnels. L'ambiance est chaude en ville, car les Etalons (équipe nationale de foot du Burkina) ont vaincu la Guinée-Bissau au championnat africain des nations qui se déroule au Gabon. Du coup, nous faisons l'emplette d'un beau ballon de cuir pour les écoliers de Lelegre.
Dimanche 22 janvier La savonnerie de Gourcy.
Les six dames du groupement Naam responsable de la production nous accueillent. On se présente. Et la production débute. Ces dames se protègent : masques et gants (mais pas de lunettes). Elles filtrent la soude caustique et mesurent la qualité au densimètre. Elles ajoutent de l'eau (4 litres pour 4 litres de soude). On brasse et mesure le mélange, on rectifie l'assaisonnement. On met le beurre de karité préalablement chauffé et mélangé à de l'huile de coco dans la baratte. On ajoute le mélange eau/soude en brassant à tour de rôle, et la « soupe » épaissit et chauffe. Il en faut de la force pour arriver à bonne consistance ! On ajoute quelques bouchons de parfum « 1000 fleurs » et de produit moussant. Après 20 minutes d'efforts, ça y est : on peut couler la pâte dans les moules. Rendez-vous est pris pour la suite du travail demain matin.
En fin de matinée, nous visitons le musée local « Birgui Julien Ouedraogo », premier député de Gourcy, mais aussi artiste, potier, sculpteur et postier. Belles sculptures de bronze, et aussi remarquable collection d'objets traditionnels que nous explique avec plaisir et compétence M. Omar Ouedraogo, de la famille royale.
En fin d'après-midi, visite rafraichissante au maraîchage de Rogo. Deux groupements féminins totalisant 60 dames cultivent ici deux hectares d'oignons, pommes de terre, haricots, carottes, épinards, oseille... etc. Grâce aux bonnes ventes de carottes, chacune a pu s'acheter un vélo. Une partie des cultures est collective et une partie individuelle. Ces dames pratiquent la rotation, et cultivent de décembre à mars. Grâce aux 3 puits sur place, elles arrosent matin et soir, nous les voyons trotter à travers les carreaux, infatigables, un gros arrosoir dans chaque main et un enfant sur le dos. Serge fait part de notre admiration devant tant d'énergie et de courage : « Nous avons visité plusieurs villages où il fait sec, ici c'est le paradis de la verdure ! » Nous apprenons qu'au printemps, le propriétaire labourera le champ avec ses bœufs pour y semer du mil, profitant de l'apport végétal, et l'hiver prochain les dames reprendront possession du champ enrichi des débris de paille et de fumier : une opération gagnantes-gagnant ! Pour toute la commune de Gourcy, l'on compte 13 groupements de maraîchage, en majorité féminins, sur 32 hectares. L'Union groupe les commandes de semences et assure la formation continue.
Lundi 23 janvier
A huit heures et demie, retour à la savonnerie où nous attendent les six dames. Sur la table de découpage, le pain de savon solide que l'on a sorti du moule. On le passe au fil à découper pour former des cubes. Les déchets serviront pour la lessive. Puis on imprime à la presse à pédale la marque UGN sur 4 côtés, et le savon est prêt pour la vente.
Au moment de grimper dans notre bus, nous voyons les équipes de la mairie qui ramassent les déchets dans la rue, comme chaque matin. A la déchetterie, on triera ce qui est récupérable (compost, etc.) et on enterrera le reste.
Jeudi 24 janvier
Départ pour Ouahigouya, avec Karim Konkobo. Le long de la RN2, nous voyons de grandes étendues qui revivent grâce aux diguettes. Des jeunes arbres, des cultures prises sur le Sahel. A la saison des pluies tout verdit, et les bêtes paissent ; on récolte même de la gomme arabique sur les acacias du Sénégal, arbres épineux.
Après nous être annoncés à la gendarmerie de Ouahigouya, nous sommes reçus par le Président de la Fédération nationale des Groupements Naam. Fils du fondateur, M. Nomende Joël Ouedraogo a travaillé dans l'exportation de fruits et légumes ainsi que dans le négoce de pétrole avant son élection en 2015. Chacun se présente, selon le rituel maintenant bien établi.
Président : «Sur le terrain, nous n'avons pas de difficultés majeures : les gens sont courageux et travailleurs. Ce qui nous manque, ce sont les moyens. Renforcer la formation. L'équipe de Gourcy est très dynamique. Merci pour le soutien accordé .
Serge : Voir la réalité sur place est indispensable. Les rapports et les images ne suffisent pas. On constate l'évolution favorable grâce au travail accompli dans tous les domaines après 25 ans. Notre devoir est de transmettre cette réalité à nos membres. Des gens qui veulent rester sur leurs terres plutôt que d'émigrer vers l'Europe.
Président : La Fédération lutte contre le mariage précoce, le lévirat, etc. A l'échelle du pays, elle est présente dans 30 provinces sur 45, et compte 700'000 membres (60% de femmes). C'est un travail de longue haleine, la répétition est pédagogique. Cela commence à porter ses fruits.
André : Beaucoup de gens en Europe sont effrayés par la recrudescence des mouvements migratoires, et croient pouvoir s'en protéger en fermant les frontières et en édifiant des murs à grands frais. A nous de les convaincre d'agir en amont, en aidant les gens à vivre dans leur pays. C'est la meilleure dissuasion à l'émigration.
Président : Des milliers d'hectares de terres cultivables ont été récupérés. Beaucoup de migrants sont revenus de Côte d'Ivoire et d'ailleurs, pour cultiver ces terres. Quand le cœur y est, y a pas photo : les rendements suivent !
Barbara : Le travail communautaire et l'entraide sont pour nous un exemple très fort.
Président : C'est un système ancestral basé sur des valeurs et des vertus. Si l'on dit « sécurité alimentaire », les gens sont indifférents ; si on leur parle de « grenier de vie », l'adhésion est plus facile. Les comités locaux pour le suivi de toute activité (puits par ex.) regroupent cultivateurs et éleveurs, qui doivent s'approprier le projet.
Barbara : L'engagement des plus jeunes est difficile chez nous.
Serge : L'engagement temporaire sur un projet à court terme est peut-être plus facile à obtenir. Cela dit, il serait difficile de rassembler 400 personnes sur la place de Cheseaux comme cela s'est fait hier à Koundouba.
Barbara : Nous essayons de sensibiliser nos concitoyens par la vente de l'artisanat et de la projection de films africains.
Président : Après avoir participé à un camp de reboisement avec des jeunes suisses, j'ai été invité par Nouvelle Planète à visiter votre pays.
Une belle surprise
Nous avons eu la chance de pouvoir nous arrêter à la "Radio des Paysans"
Une belle visite de cette Radio créée par Franck Musy et d'autres
Merci pour cette belle découverte
Mercredi 25 janvier
Visite du Centre artisanal, et achats pour les prochains marchés de Trait d'Union.
L'après-midi, réception par le responsable, au Burkina Faso, de Nouvelle Planète, M. Adama Traoré et sa secrétaire.
Barbara se présente, et explique la relation entre Trait d'Union et les UGNG. Serge se présente, et parle de notre village. Edith évoque la rencontre des Cortessis avec Willy Randin à l'occasion du spectacle « Il est minuit Docteur Schweitzer », puis le voyage africain de leur fille Sandrine avec les jeunes de Nouvelle Planète.
Puis M. Traoré parle de la remise en route d'un atelier mécanique fondé en 1989, qui est inutilisé depuis 2010 à Gourcy, l'ADMGA (Atelier de développement de mécanique générale agricole). Fabrication de charrettes, brouettes, arrosoirs, boulonnerie. Beaucoup d'artisans ont été formés, mais aucun responsable de gestion et de direction. Les Autrichiens qui avaient initié ce projet, l'ont laissé l'UGNG à leur départ..
Djeneba : Nous sommes sur l'affaire, mais suite aux décès de deux de nos collègues du bureau exécutif de l'union, tout fonctionne au ralenti. L'atelier avait été équipé à grands frais, mais lorsque le financement autrichien a cessé, après 6 mois sans salaire les ouvriers sont partis. L'Union aurait dû reprendre le projet, mais nous avons un défaut de compétence dans ce domaine.
Fati : C'était le seul atelier de la région qui fabriquait du matériel de qualité. Notre presse à karité vient de là.
Traoré : Il y a un marché pour ces produits, le laisser inexploité est un gaspillage à plusieurs millions.
Barbara : Quels projets de Nouvelle Planète pour la région ?
Traoré : Jumelages, santé, éducation. Nous évitons la dispersion coûteuse pour nous concentrer sur une zone géographique donnée.
Barbara : Combien de jumelages avec des communes suisses ?
Traoré : Cinq ou six, on fait du suivi, notamment sur la gestion des déchets. Et comment ça va à Cheseaux ?
Barbara résume nos activités.
La secrétaire : Une miellerie financée par Nouvelle Planète fonctionne à Ouahigouya.
Traoré : Le Fespaco (festival du cinéma africain) a lieu cette année en février à Ouaga. Le Burkina est un carrefour du cinéma africain, on produit ici beaucoup de films et de séries.
Barbara évoque la succession de Pierre et la relance de l'Union. Karim Konkobo a beaucoup pris sur lui en attendant les nouveaux responsables.
Djeneba et Fati s'engagent à reprendre contact avec M. Traoré pour la relance de l'Atelier.
Traoré : Il faut trouver un ou des formateurs volontaires, Burkinabés ou extérieurs. Pour les matières premières, on peut trouver des solutions.
Barbara : L'entretien des bâtiments est essentiel, par exemple le centre d'alphabétisation de Koundouba doit être réparé avant la saison des pluies.
Serge : En cas de situation d'urgence, nous pouvons épauler une action.
Barbara : On l'avait fait lors d'une pénurie de mil, pour lancer la construction de la savonnerie, et pour payer les voyages de Pierre puis de Moumini.
André : Et la pollution ?
Traoré : Les sachets bien qu'interdits circulent toujours... Les véhicules sont ceux que vous ne voulez plus en Europe, et la qualité des carburants venus d'Europe est mauvaise. Merci pour tout votre travail. Ne tardez pas trop à
Jeudi 26 janvier
Nous demandons la route.
Nous achetons six paires de lunettes de protection pour les dames de la savonnerie et les remettons à Djeneba et Fati. Puis après un dernier repas brochettes/merguez devant l'aéroport, nous embrassons nos amies et demandons le ciel !
Ainsi s'achève ce voyage tel que vécu par le scribe, André Cortessis S.E.& O.
Un grand merci pour votre engagement
Et merci de nous avoir permis de découvrir l'ensemble des projets
Continuons à cultiver cette amitié entre le NORD et le SUD
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Mise à jour le 21.03.2023